Voici un bel article paru récemment dans la tribune de Genève, quotidien suisse, du 24 janvier 2011.
Une explication intéressante sur les dérives actuelles de certaines entreprises, je le gardai au chaud, espérant secrètement le voir publié sur le site en ligne du journal, mais rien n'est venu depuis, donc je vous le poste.
Article du 24 janvier 2011 publié dans la TDG par M. Olivier Bot, journaliste.
" C'est l'histoire de David en passe de terrasser Goliath. D'un petit groupe basé
à Genève qui est en train de gagner une bataille contre de puissants lobbys.
L'association Noé 21, associée aux ONG EIAgency et CDM watch, a en effet convaincu
l'agence climatique de l'ONU et la Comission européenne qu'un des mécanismes d'incitation
à réduire les gaz à effet de serre a profité à des fraudeurs. Sans aucun bénéfice pour l'environnement.
L'enjeu n'est pas mince :
il s'agit d'un gain de 120 millions de tonnes de CO2 émis, soit deux fois les rejets annuels de la Suisse.
Cette pollution était en effet intentionnellement produite par quelques entreprises qui gagnaient
plus à détruire ces gaz qu'à produire leurs marchandises.
Et plus d'un milliard de francs suisses (environ 772'165'000 millions d'euros) était ainsi gaspillé
au lieu d'aller à la lutte contre le réchauffement climatique.
Voici comment... Depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997, les pays industrialisés se
sont fixés des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Quand ils ne peuvent pas
atteindre leurs objectifs, ils peuvent compenser leur dépassement en aidant des pays en développement
à réduire leurs rejets. Ce mécanisme dit de développement propre subventionne des projets menés au sud.
Parmi les 2000 projets figurent 19 usines qui produisent un gaz réfrigérant néfaste pour la couche d'ozone
mais toujours autorisé au sud, le HCFC-22. Cette fabrication dégage un autre composé gazeux, le HFC-23, qui est 11'700
fois plus nocif que le CO2. sa destruction donne droit à des certificats de réduction d'émission d'équivalent CO2, à un
coût très bas, autour de 17 centimes d'euros la tonne de CO2... Un simple brûleur sur la cheminée suffit à le détruire.
En Inde, en Chine et en Corée du Sud, ces usines de gaz réfrigérant tournent à plein et sont taxées par les gouvernements.
Une bonne affaire pour tout le monde.
- Notre soupçon est né en 2007. Un journaliste du New York Times a eû du flair et a remarqué
que ces certificats de droit à polluer bon marché pouvaient inciter à créer de la pollution, raconte Chaïm Nissim, ingénieur
et secrétaire de Noé21. En 2008, on a mandaté un ami physicien allemand afin d'éplucher les rapports d'émissions
des entreprises à l'agence climatique de l'ONU qui gère le mécanisme de développement propre (MDP). On s'est aperçu
que ces usines produisaient juste les quotas permettant les certificats, qu'elles étaient toutes alignées sur les taux de pollution
maximum autorisés. Etonnant, non ?!
Malgré les pressions des pays concernés, les Nations Unies sont donc en train de revoir leur copie pour éviter
qu'à l'avenir, de petits malins s'engouffrent dans les failles du système. En juin prochain, un nouveau dispositif va être mis en place.
Et d'ici là, aucun nouveau projet ne sera financé, et aucun renouvellement autorisé. Une première victoire acquise en novembre dernier.
Ce n'est pas la seule.
Les Vingt-sept ont, en effet, décidé d'interdire l'achat des certificats de HCF23. L'Union européenne veut aussi proposer des certificats
de qualité pour la période 2013-2020.
- La Suisse n'achète pas de certificats HFC23. elle pourrait aussi les interdire. En outre, beaucoup de certificats de la Bourse Carbone
passent par la Suisse. la Confédération pourrait cesser de les réceptionner dans son registre... note Jérôme Strobel, physicien chargé de recherche à Noé21."
Complément d'article sur les cybercriminels du carbone, encore par Olivier Bot.
" Fermée pour cause de cyberattaque ! La Bourse au carbone de bruxelles, qui gère le marché des droits d'émission de dioxine
de carbone, a dû suspendre ses activités mercredi dernier, ayant constaté une intrusion du type "Stuxnet" en Iran.
Des pirates informatiques ont en effet réussi à s'introduire dans la place et à détourner pour deux millions de tonnes de droits à polluer !
Revendus à des entreprises, ces certificats pourraient rapporter au cours actuel de la tonne (14 euros) pas moins de 28 millions d'euros.
Ces cybercriminels ont lancé une série d'attaques contre les registres de quotas d'émission de la République Tchèque, de l'Autriche, de la
Pologne, de l'Estonie et de la Grèce. C'est en Autriche que la première effraction a été constatée le 17 janvier dernier. Cette intrusion est une
première dans les annales de la cybercriminalité. Le marché aux quotas d'émission de carbone, né du Protocole de Kyoto en 1997, n'avait jamais
subi un pareil assaut. Selon France 24, Europol enquête depuis deux ans sur un autre vaste réseau criminel qui fraudait sur les quotas
de droits à polluer. Cette escroquerie aurait déjà coûté des milliards d'euros en Europe. En décembre dernier, plusieurs personnes ont ainsi
été arrêtées, suspectées d'avoir participé à cette escroquerie. En novembre, le cimentier roumain Holcim a constaté pour sa part qu'on lui avait volé
pour 1,6 millions de tonnes de CO2 sur les registres de quotas roumains."